Laure Lucchesi sur l’innovation gouvernementale et les données ouvertes.
Toutes les opinions exprimées dans ces épisodes sont personnelles et ne reflètent pas les opinions des organisations pour lesquelles nos invités travaillent.
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Bonjour !
Et bienvenue à un autre épisode de FWDThinking, cette fois en français.
Aujourd’hui, je suis ravi d’avoir la chance de parler avec Laure Lucchesi la directrice d’Etalab la mission du Premier ministre français pour l’innovation et la transformation de l’administration.
Elle gère Etalab comme une start-up c’est classé au sein de la direction du numérique en France où elle mène des projets radicalement innovants
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pour mettre des pratiques et des outils numériques au cœur de l’administration publique et faire entrer les services publics dans l’ère des stratégies ouvertes et piloter par les données.
Alors, donnez un bon bienvenu Canadien à Laure Lucchesi de France Bonjour Laure !
– Bonjour Alistair et bonjour à tout le monde qui nous regarde.
– Est-ce que j’ai fait des erreurs dans l’introduction ou c’est… ?
– Non, c’est parfait – C’est approximativement ça ?
– On pourrait préciser un peu
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certaines des missions mais globalement, c’est ça À Etalab, on fête cette année nos dix ans d’existence donc ça a été créé en 2011 et le tout début de la mission c’était « l’open data » donc ouvrir et partager les données publiques qui sont produites par les systèmes d’information de l’État et qui peuvent être diffusé à tout le monde, et petit à petit, on a étendu nos missions pour aller vers la « data-driven government »
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donc une administration fondée sur les données pour la transparence de l’efficacité
aussi de stimuler de la création de valeur économique et de l’innovation c’est aussi le partage de données entre administration, faire en sorte que les services publics soient plus efficaces que les démarches des usagers soient facilitées parce que les administrations se passent les données entres elles au lieu de les redemander à l’usager c’est le « once only principal »
dites-le-nous une fois et c’est bon
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il y a même, dites-le-nous zéro fois grâce à l’analytique des données on peut même anticiper les droits des usagers et faire en sorte qu’on leur attribue plus ou moins automatiquement, des droits.
Ça, c’est vraiment un autre axe d’amélioration du service public.
Et puis bien sûr, toute la partie intelligence artificielle, « data science »
pour mieux piloter, prendre de meilleures décisions c’est vraiment « data-driven transformation »
du service public.
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Il y a aussi bien surtout le volet service public numérique donc : innovation, méthode agile, concevoir de nouveaux services qui soient nativement numérique et toutes les questions que cela pose, bien sûr – C’est toute une gamme de responsabilités et il semble que ça a commencé
avec les données et ce qu’on voit dans plusieurs administrations dans le monde, c’est que ça commence avec une demande de transparence
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qui nous donne une collecte de données de différents départements, qui forme la fondation, est-ce que tu penses que c’est commun que l’innovation commence avec la collecte des données ?
– C’est assez courant, je pense l’innovation dans le secteur public ne sois pas seulement numérique il y a plein d’innovations qui sont plus dans la méthode, le métier lui-même mais dans le champ numérique, il y a très vite, une question de données
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ce qui est intéressant, c’est que comme je le disais tout à l’heure, c’est vraiment ça.
Nous, on est parti, ç’a été le point de départ c’était « transparency », c’était vraiment dire « on prend les données de système d’information »
et on les rend accessibles à tout le monde pour pouvoir piloter mieux, faire la lumière sur l’action de l’État et renforcer « l’accountability »
c’était en majorité ça et moi, j’aime bien dire en France pour vous donner un peu de « localism »
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on a la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dit :
« les citoyens sont en droit de demander compte à tout agent public de son administration », c’est l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et donc, un citoyen peut demander à l’administration d’être « accountable », de rendre compte sur son action et grâce à la donnée aujourd’hui on a vraiment la possibilité de faire un « shift »
grâce a la révolution numérique et de dire, l’administration peut proactivement
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rendre compte et mettre à disposition des citoyens des données pour qu’on puisse regarder les décisions qu’elle a prises les services qu’elle a fait avec et c’est donc un changement assez radical qu’apporte la révolution numérique même si le principe est très vieux dans l’histoire française Le point de départ des données est très important et ça permet, effectivement 1) : d’avoir des services faits à l’extérieur de l’administration
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qui vont prolonger ce que va faire l’État ce sont des start-ups qui font d’autres services ou des associations des entreprises c’est vraiment une façon d’amplifier je peux donner des exemples dans les bases de données de l’État on a des données sur les points d’accessibilité
les endroits où on peut passer sur les trottoirs, pour les personnes en situation de handicap c’est vraiment des données qui existent mais aujourd’hui, on a, et ça, c’est fait à l’extérieur,
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des gens qui sont capables de faire des itinéraires calcul d’itinéraires pour des personnes en situation de handicap et ce n’est pas l’État qui a fait ce calculateur d’itinéraire mais s’il n’y avait pas les données de départ du système d’information public on n’aurait, peut-être pas pu faire ces innovations-là
Aujourd’hui aussi avec les données de Covid on voit bien qu’il y a plein de données partagées par l’État et sur lesquelles on fait des services pour prendre rendez-vous
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pour la vaccination, pour avoir des alertes, etc.
cette mise à disposition de données est super importante.
– Il me semble qu’on parle toujours de la frontière entre les services publics et les services privés et on se demande si le gouvernement devrait libérer la bande passante, par exemple ou bien construire des rues et en partageant les données, en faisant en sorte qu’elles soient accessibles de la façon que vous avez décrite cela donne une frontière grise
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cela donne plus d’opportunités pour les organisations de CV thèques ou des citoyens qui ont des agendas qui peuvent livrer des services à côté du gouvernement mais du moment que le service devient quelque chose dont les gens ont besoin à l’échelle, est-ce que pour vous le gouvernement a le rôle d’innovateur ?
Est-ce que vous vous dites c’est une initiative que nous allons accélérer ou bien est-ce que vous êtes heureux que les groupes civiques le fassent
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et vous les aidez ?
Quels services sont si indispensables qu’on a besoin de les amener dans le gouvernement ?
C’est une excellente question et on est toujours en train de regarder où placer le bon curseur.
En France, déjà, il y a un cadre légal qui fait que l’état ne doit pas se substituer, il ne doit pas intervenir là où il pourrait y avoir un marché
et une initiative privée Il y a des choses qu’il n’a pas le droit de faire
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mais si c’est dans certaines zones ou que c’est couvert par des obligations typique du service public de couverture de capacité à aller dans toutes les zones d’universalité, etc.
Là oui, ça peut devenir un service public ce qu’on fait, ce qu’on essaie de faire le plus possible, c’est de créer des moyens de stimuler la réutilisation des données
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par des tiers, donc l’État fait certaines choses nous met à disposition les données et si on voit que ça a un potentiel de développement on essaie de faciliter le développement de ces initiatives privées, en les mettant en contact avec de bonnes administrations, en leur donnant les moyens de prospérer et de se développer et il y a beaucoup de secteurs de Steve Tech et de golf tech dans certains cas, on peut s’interroger et se demander si ça doit redevenir
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une initiative vraiment portée et complètement intégrée aux services publics aujourd’hui.
Je n’ai pas connaissance d’initiatives qui soit devenu complètement public comme ça mais c’est vrai que là il y a des questions qui se posent typiquement en ce moment avec la crise sanitaire Il y a des exemples qui sont un peu dans la zone grise mais en tout cas on agit Nous avons toujours choisi de mettre à disposition les données et de stimuler et non pas de se substituer
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à ce que le secteur privé peut faire Alors vous avez dit que vous avez déjà
depuis plusieurs années, les lois qui disent que les citoyens peuvent demander au gouvernement des données sur eux-mêmes et c’est un thème auquel nous revenons souvent dans les conversations à FWD50 que personne ne devrait en savoir plus sur vous que vous en savez
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c’est-à-dire si vous avez déjà des lois en place pour ceci, ça devrait être plus facile de convaincre des personnes que le gouvernement doit innover parce que l’innovation, en fait, ça consiste à faire quelque chose de différent mais les gouvernements ont tendance à vouloir garder les processus et les systèmes en place.
Alors comment faites-vous pour perturber les systèmes et la culture qui résistent un peu Au changement pour innover quand c’est votre rôle ?
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C’est vraiment un challenge important Là, on aborde pleins de thèmes.
L’innovation dans le secteur public d’un côté, il faut être vraiment l’aiguillon et créer des zones que parfois on appelle entre nous zone démilitarisée, c’est une des zones d’autonomie où on a cet espace en tant qu’agent public pour innover, pour prendre des initiatives
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et aussi un peu désobéir parce que dans l’administration et c’est aussi important, et c’est là pour de bonnes raisons, il y a beaucoup de normes, de code de procédures, de contrôle et encore une fois c’est pour de bonnes raisons c’est aussi un gage de stabilité
de continuité, d’absence de chaos mais il faut trouver la bonne zone donc nous, ce qu’on a créé comme méthode c’est encore une fois de créer dans chaque ministère
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de plus en plus, au début on l’a fait en transverse, en interministériel on a créé comme ça différents programmes il y a un programme qui s’appelle entrepreneurs d’intérêt général et un programme qui s’appelle bêta.gouv.fr, je pourrais vous envoyer les liens, qui sont dédiés comme ça à stimuler l’innovation publique donc au début on a fait ça en transverse et puis petit à petit, ça a commencé à se bureaucratiser et puisque l’on devenait de plus en plus gros On a décidé dans chaque ministère de créer des incubateurs de services numériques
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des zones où on va pouvoir stimuler l’innovation et permettre à des agents publics de proposer des choses nouvelles et de ne pas juste attendre d’avoir un chef qui demande quelque chose Et combien de ministères avez-vous ?
Aujourd’hui on en a une vingtaine entre 15 et 20 ministères en France Alors chacun a son propre groupe d’innovation ?
Oui, il y a cinq millions d’agents publics ce qui est quand même beaucoup
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et donc dans chaque ministère il y a maintenant dans presque tous les ministères il en manque encore deux ou trois mais on a comme ça des incubateurs qui sont ces zones, où il y a une communauté de makers et de gens qui vont pouvoir bénéficier de l’appui d’un réseau et d’une communauté
pour partager de bonnes pratiques et quand ils arrivent, ils ont déjà aussi des outils tout un dispositif d’onboarding et ils peuvent vraiment partager de l’expérience
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et savoir ce qu’ils peuvent faire ou ne pas faire donc ça, c’est beaucoup des gens qui ne sont pas fonctionnaire et qui viennent de l’extérieur pour venir travailler auprès des administrations mais c’est vraiment un dispositif qui marche bien et après, une fois qu’on a des débuts de services notamment de services numériques après on a d’autres types de programmes qui permettent de développer et de passer à l’échelle d’accélérer des services qui sont amenés à avoir de l’impact
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c’est un peu l’objectif de « fail fast »
s’il y a des choses qui ne marchent pas parce que le service n’a pas trouvé son public et n’a pas l’attraction ne crée pas d’impact ou n’a pas les bonnes conditions pour se développer on décide d’arrêter et donc on est assez radicaux dans les méthodes Mais quand vous dites « fail fast », c’est quelque chose que les servants publics n’aime entendre C’est vrai Alors comment est-ce que vous…
moi, je suis vraiment amateur du modèle « Lean Startup »
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et on a beaucoup de choses dans la religion de « Lean Startup »
comme le « minimum viable product »
ou bien les différents systèmes de croissance la viralité, stickiness, etc.
mais beaucoup de ces modèles ne sont pas les mêmes quand on les amène dans le monde du service public c’est-à-dire si je suis l’industrie je vais poursuivre un marché alléchant où on a beaucoup de besoins en commun mais c’est le « mass market »,
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mais dans les services publics c’est les marges qui ont besoin de l’attention des innovateurs alors quand est-ce que vous appliquez ou transformer des modèles startup dans un service public ?
Et c’est vrai qu’on a beaucoup réfléchi à ces questions-là
parce qu’il y a des choses qui viennent des startups et de l’agile qui sont vraiment intéressantes et qui sont totalement réplicables dans le service public mais il y en a d’autres, pas du tout et la comparaison s’arrête là
et on ne peut pas choisir ses clients dans le secteur public
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et on va juste adresser ce marché
parce qu’il est plus rentable et pas les autres on a justement des obligations de service public et d’égalité de traitement mais on arrive quand même à appliquer pas mal des principes Le « minimum viable product »
être guidés par des indicateurs d’impact et pas juste un indicateur de moyens et si, en tout cas, pour notre programme d’accompagnement si on définit dès le début
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avec ce qu’on appelle des investisseurs c’est vraiment des administrations qui vont financer un service et si on définit avec des indicateurs de performance et on évalue régulièrement dans des comités l’atteinte de ces objectifs-là
et si ça ne marche pas on arrête de faire du soutien donc, il y a des projets qui sont abandonnés après si d’autres ministères veulent quand même le faire parce que c’est une commande politique ou pour d’autres raisons ils peuvent continuer en tout cas, nous, l’action de nos équipes s’arrête
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on a repris quand même beaucoup de principes de l’agilité
pour être centré sur l’usage Alors quand vous devenez innovateur l’histoire se rend compte de ce qui est possible et il y a toujours comme un équilibre à trouver entre la demande pour l’innovation l’ouverture des données et c’est très difficile de délivrer des expériences qui sont simples que toutes les personnes peuvent utiliser
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sans franchir les problèmes de données, de collection, de confidentialité
de gouvernance.
Comment est-ce que vous voyez la ligne entre ce que les citoyens croient être des choses privées qui sont à eux, que personne ne doit partager et la demande que les applications deviennent plus anticipantes Ils peuvent prévoir
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ce que vous aurez besoin parce que si j’arrive sur un site web ça me dit « Bonjour, Alistair, je vois que vous avez eu une crise cardiaque et il vous manque de l’argent sur votre compte en banque je suis un peu effrayé
de mon gouvernement mais c’est un système qui prédit mes besoins comment trouver l’équilibre entre la prédiction qui demande beaucoup de contexte sur les citoyens et la gouvernance et la confidentialité ?
Alors en France, on est quand même assez en avance
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et on a abordé pas mal de ces questions :
d’un point de vue juridique On a un cadre qui est quand même assez avancé
par exemple on a la RGPD c’est déjà un pas très important qui fixe un certain nombre de principes si on prend, par exemple la question des algorithmes et de la prédiction plus ça va, plus on a effectivement des décisions
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qui utilise des données dans la sphère publique et en France, on a fait vraiment des choses intéressantes :
En 2016, on a fait la loi pour une république numérique « digital republic bill »
déjà on a préparé la loi avec une grande consultation publique pendant plusieurs mois on a fait une consultation citoyenne d’abord avec des groupes en physique après en ligne, pendant plusieurs mois on a interpellé les usagers, les citoyens
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sur le contenu de la loi et les principes qui devraient figurer et ils ont mis des éléments et par exemple, il y a des choses qui sont apparues sur le fait que si, on utilise un algorithme, dans un service public il faut être capable de dire quelles sont les règles qui s’appliquent de façon générale et en plus pour un cas individuel il faut être capable, à la demande de dire exactement comment l’algorithme a fonctionné
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pour une décision individuelle, qui impacte un individu Donc ça, c’est des principes qui sont quand même assez avancés Et aujourd’hui, même dans les évolutions qu’on envisage par exemple, quand je parlais de l’administration proactive qui va attribuer des droits et même dans les principes de fourniture d’identité
dans les services numériques déjà on doit informer l’utilisateur de toutes les données qui sont échangées entre les administrations donc, il faut que l’administration ai le droit d’accéder à ces données
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mais en plus elle dit, voilà pour faire cette démarche on va aller chercher telle et telle donnée ailleurs Donc on a toujours une transparence.
Et c’est en face du citoyen au moment de faire la demande ?
Oui, quand il remplit la demande Et justement, on réfléchit même à comment encore améliorer l’expérience utilisateur avec vraiment des sujets très concrets de design autour de ces questions-là
Est-ce que vous avez mis en place les règles pour les designers ou les « framework » qu’ils doivent poursuivre parce que si chaque département
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crée ceci de rien ceux de scratch, c’est difficile mais s’ils utilisent, disons un [inaudible]
ou un « framework » qui amène déjà
les systèmes de notification d’où viennent les données c’est plus facile Est-ce que vous avez eu besoin de changer les « framework » ?
Alors on fournit des choses dans les services donc nous, c’est pour ça qu’on a un rôle où on travaille avec tous les ministères et on fait des ateliers pour essayer que « by design »,
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les nouveaux services intègrent ces principes de ouvert par défaut pour les données pour le code source, que ce soit explicable « by design »
donc on essaie au maximum dès la conception même des algorithmes de faire en sorte que ça soit travaillé
dès le début et quand on a de bons principes d’ergonomie ou d’utilisation, on les partage, on les fait circuler entre ministères et après il y a des services qui sont des passerelles
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par exemple, quand on se connecte à un service public et qu’on va utiliser l’identité d’un autre fournisseur d’identité
là en fait ça se fait automatiquement donc c’est une fois pour toutes on dit « voilà vous allez faire ça et voilà les données qu’on va aller chercher pour pouvoir vous authentifier chez leurs fournisseurs ».
Après ce que je peux dire aussi c’est que nous on dit souvent, enfin, on reprend le principe de Lawrence Lessig « The code is Law »
mais on l’interprète un peu ça peut aller très loin dans l’interprétation
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de ce qu’il a voulu dire avec ça mais nous on dit souvent qu’en fait, dans le numérique il ne faut pas attendre que les choses soient dans la loi et après on les code en fait, c’est l’inverse qui se passe de plus en plus c’est-à-dire, et c’est ça qui est très dur pour les décideurs politiques et mêmes les fonctionnaires, à comprendre c’est que maintenant un développeur quand il code un programme il fait de la loi, c’est-à-dire qu’il crée vraiment du droit juridique parce que souvent dans la loi
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telle qu’on l’a en France pas la « Common Law », mais la loi civique il y a
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des zones, c’est de l’interprétation il y a les grandes règles et puis on a de l’interprétation
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donc il y a souvent un peu
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de jurisprudence pour interpréter mais si on demande à quelqu’un de faire un programme
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C’est 0 ou 1 et il ne peut pas…
Il est obligé de coder quelque chose dans le dur pour faire fonctionner le programme on a eu le cas, on a fait un rapport que je pourrai partager avec vous sur le programme d’accès à l’éducation Parcours Sup et APB, c’était le précédent système C’était le système pour proposer des orientations dans l’éducation supérieure aux étudiants et en fait on s’est aperçu que
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quand on code…
Les personnes qui avaient codé le programme avaient créé du droit parce qu’ils devaient mettre une règle et ça, c’est vraiment important et c’est, je trouve pas assez compris, qu’avec le numérique Il y a des choses qu’on est obligé
il n’y a pas de zone d’interprétation il faut déjà coder les règles C’était ma prochaine question si les décideurs politiques sont assez technologiques ou à l’aise avec le modèle numérique
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parce que c’est vrai quand je dis à ma petite fille Quand elle était jeune, si je disais » Va te baigner et mets-toi au lit »
Elle irait au lit, mais mouillée parce que je ne lui ai pas dit de se sécher après le bain et en fait, quand on fait des lois si on a décrit pas avec grande précision les détails de la loi on oublie des choses qui forcent les développeurs de créer la loi au moment
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où ils codent les logiciels et en fait, c’est une façon de trouver les exceptions mais il faut que les décideurs politiques codent ou comprennent les idées de l’architecture numérique.
Est-ce qu’on peut les enseigner ?
Comment vous avez fait pour les amener dans le monde numérique Nous, on fait justement ce travail de pédagogie
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le plus possible, mais c’est vrai qu’on comprend que pour un directeur de l’enseignement supérieur ou de la santé ou des finances qui est dans les chiffres, est vraiment énormément éloigné de ces questions nous, on fait vraiment le plus possible ce travail de pédagogie on essaye de faire des séminaires où on amène des experts du numérique sur ces questions-là.
Typiquement, ce que je disais, ce principe,
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On a écrit ça sur « Code is law »
Et l’impact de coder le programme dans les systèmes d’accès à l’enseignement supérieur c’est un ministre qui m’a demandé
une mission spéciale sur l’ouverture du code source et des implications de tout ça on a quand même quelques ministres et quelques sponsors politiques qui sont réceptifs à ces questions et nous aident à les partager.
Mais c’est encore énormément de travail.
En France,
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ce qui est quand même intéressant c’est que depuis un mois on a un “Chief data officer”
un administrateur ministériel des données des algorithmes et des codes sources qui est nommé dans chaque ministère Là on est en train de faire justement sa “job description”
et c’est sa feuille de route mais il va devoir lui-même, dans son ministère sensibiliser les directeurs à ces questions-là
et il sera évalué aussi sur le portage
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ce sera dans sa fiche de poste et il y a des indicateurs sur la pédagogie qui va être faite sur ces questions Impressionnant !
J’ai une question un peu étrange et je veux la dire en anglais parce que c’est une histoire que je ne pense pas bien pouvoir vous expliquer en français :
C’était lors d’une conférence avec le ministre de l’Union européenne pour la protection des données et il m’a dit :
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“Alistair, tu sais pourquoi les Français n’envoient plus de photo quand tu as fait une infraction au Code de la route ?”
Et j’ai dit « qu’est-ce que tu veux dire ? »
Il a expliqué
« Avant quand on se faisait prendre pour excès de vitesse, on prenait une photo avec un appareil photo et on l’envoyait à la maison de la personne, aujourd’hui on ne fait plus ça »
j’ai demandé pourquoi « Parce que dans un couple, on peut laisser passer une tache de rouge à lèvres ou une odeur de parfum,
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mais on ne peut pas passer outre une photo de son conjoint avec la personne avec qui il/elle a une liaison j’ai dit « Vraiment ? », et il m’a dit « Oui, le droit français et la société française vivent des zones grises et de l’ambiguïté du droit »
Alors, j’ai expliqué, je pense que vous comprenez la question désolé mon français n’est pas parfait pour exprimer les sentiments précis Est-ce que les données et les logiciels
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enlèvent la marge grise ?
Comment est-ce que vous pensez que ça va changer les affaires du moment que les lois sont précises parce que les logiciels forcent la précision On a de plus en plus d’information sur les individus avec ce croisement de données.
En effet, en France on aime bien rester dans l’ambiguïté
on dit “On ne sort de l’ambiguïté
qu’à son détriment”
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ça veut dire que si on est explicite et si on sort de la zone grise ont fini par perdre donc c’est vrai qu’on aime bien cette zone-là et effectivement plus on rentre dans une zone où on devient une date nous-mêmes ça va forcément aller dans ce sens-là
mais heureusement il y a encore, je pense
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c’est ce que je voulais dire tout à l’heure sur la loi pour une république numérique la concertation collective et “l’open government”
la participation, l’inclusion des citoyens à la décision publique et à la façon dont il faut bâtir le futur de l’action publique plus c’est débattu collectivement et plus on arrivera à définir ensemble les “safe cards”, les frontières à mettre pour qu’on ait quelque chose d’acceptable
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donc plus on va vers un “data driven government”
plus il est important que l’on ait vraiment un gouvernement qui soit innovant mais aussi inclusif et concerté
une action publique dans lesquels les citoyens se sentent représentés et participent à cette décision-là.
– Qu’ils sentent vraiment que c’est une renégociation du contrat entre les citoyens le gouvernement dans un monde numérique en fait.
– Exactement
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– Bon quelques questions et on a seulement quelques minutes ;
j’adore cette phrase “On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment”.
Je l’ai écrite.
Alors j’ai trois petites questions sur les données ouvertes :
Premièrement, l’ouverture des données semblent faire partie d’un ensemble beaucoup plus vaste qui comprend, non seulement les données ouvertes mais le droit de réparer son ordinateur à l’open source, les services ouverts, les interfaces ouvertes, les contrats de données entre deux organismes, etc.
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Est-ce qu’il faut que les gouvernements embrassent toute la gamme tout l’ensemble des améliorations, de ses approches numériques ou bien est-ce qu’on peut réaliser de grandes choses si on adapte seulement leur « open source »
ou les données ouvertes et seulement un morceau de ceux-ci – Je pense que la transformation est importante et il y a plein de facettes différentes
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mais si on essaie de tout faire en même temps on n’y arrivera pas par exemple, sur le volet « open data »
dans la loi de la république numérique on a mis « open by default » comme principe là aussi la France est très avancée mais aujourd’hui les administrations nous disent « Mais vous nous dites de t’ouvrir, mais si on commence, par quoi on commence, est-ce qu’il ne faut pas commencer par une chose »
ce que je veux dire c’est le mieux est l’ennemi du bien et c’est sûr qu’en commençant
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par certains aspects on peut déjà arriver à beaucoup de choses rien que « open data », publier des données qui ont un gros impact économique c’est déjà une grosse source d’amélioration nous, on a des exemples d’améliorations importantes de service qui ont été amenées juste avec quelques bases de données qui ont été ouvertes Donc il ne faut pas espérer faire tout d’un coup il faut vraiment s’appuyer aussi là, on a beaucoup discuté chez nous de
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est-ce qu’il faut tout imposer dans la loi et contraindre ou est-ce qu’il faut s’appuyer là où il y a des zones de volontarisme et ceux qui ont envie de faire et on est plutôt sur une approche en tout cas on a stimulé aussi les endroits où il y avait des initiatives et des facilités pour Open source, on a dans la loi les principes que le logiciel libre doit être privilégié
mais pas toujours facile pour un ministère et ça ne sert à rien de forcer si derrière il n’y a pas les ressources.
Ce qui fait l’intérêt de l’Open source
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c’est aussi la communauté
la capacité, à contribuer de travailler sur des communs et si un ministère n’a pas ça mieux vaut qu’ils prennent une solution propriétaire.
Donc je pense qu’il faut vraiment que chacun se dit OK la cible c’est de faire tout mais commençons déjà
par les zones sur lesquelles on sait qu’on va vraiment investir et aller jusqu’au bout.
– Alors, parlons un peu de là
collecte des données [inaudible] on faisait un recensement chaque quelques années
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pour connaitre toutes les personnes et où elles sont par contre, un sondage c’est facile à faire on fait un sondage de 10 000 personnes on a une idée de ce que pense le marché
l’audience, le pays mais le problème avec les sondages c’est qu’on reçoit seulement assez de données pour savoir ce que nous avons en commun et un recensement, ça nous montre ce que nous avons de différent, les anomalies et on sait bien que les moyens sont trompeurs, que mêmes les statistiques
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cela nous montre que les moyens sont trop simples pour comprendre les marges les exceptions et c’est dans les exceptions que sont les cas intéressants les problèmes pour lesquels les lois sont créées Que faites-vous des anomalies et les exceptions lorsque vous essayez d’élaborer des politiques à partir des données ?
pour au moins les différences entre le recensement et le sondage est de trouver ce qu’ils ont en commun
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et comment nous sommes différents – C’est vraiment des questions intéressantes Je pense que quand même déjà aujourd’hui les techniques de traitement des données savent identifier assez vite où sont les bugs les anomalies dans le système donc, plus on avance sur les techniques de données
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et plus on arrive à savoir s’il y a un « pattern »
dans les exceptions est-ce qu’in arrive à dériver quelque chose qui pourrait être utilisé
pour faire une politique qui ne s’applique peut-être pas au cas général, mais à un certain groupe d’utilisateurs et c’est ça qui est intéressant aussi avec les données c’est qu’on peut choisir de faire un service généraliste ou alors si on identifie qu’il y a un petit groupe d’usagers qui a besoin d’un traitement spécifique peut-être qu’on peut faire une politique publique pour ce groupe-là,
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plus on a des techniques de traitement des données plus on est quand même capable d’avoir aussi une action publique qui est plus ciblée.
C’est en cela que c’est intéressant bien sûr, il faut encore une fois comme on l’a dit tout à l’heure en tant que service public on ne peut pas laisser de côté des exceptions nous ne traitons pas ces cas-là
parce qu’on a une obligation de couverture universelle.
– Bon la dernière question et merci beaucoup de toutes ces réponses c’est vraiment intéressant d’entendre.
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J’ai appris beaucoup de choses aujourd’hui.
Dernière question Quelles sont les choses que vous ne vous ne voulez pas voir devenir numériques dans le rôle du gouvernement et dans la vie des citoyens ?
– Aujourd’hui, on a un énorme enjeu d’améliorer toute l’expérience utilisateur des services numériques on a fait beaucoup de progrès mais il reste beaucoup d’endroits où
on a encore du progrès à faire dans l’expérience utilisateur des services numériques
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on a des trucs qui sont aberrants ou encore une fois je disais « once only principal »
plein de choses comme ça mais il y a aussi beaucoup de gens qui ne sont pas du tout éligible et en capacité de traiter avec des services numériques c’est un énorme sujet en fait il y a des choses très pointues à faire avec le numérique mais il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup d’usagers qui sont…
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Ce sujet de l’inclusion numérique est important et en France, par exemple on a créé des médiateurs pour aider ce public-là
On l’a vu pendant l’épidémie prendre rendez-vous pour se faire vacciner certains étaient complètement perdus donc, il y a un travail considérable à entreprendre.
– C’est comme des ambassadeurs pour les personnes qui ne sont pas habitués au numérique ?
– Exactement.
Il y a de la médiation et ils sont vraiment déployés partout sur le territoire donc ça, c’est un sujet.
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Il y a aussi le sujet de disparité
de fracture numérique car il y a les gens qui sont en ville très connectée et d’autres qui sont plus éloignés par conséquent, il faut, encore une fois que le service public pense tout le temps à tout le monde pas seulement à un petit public de technophiles.
– Bon, merci beaucoup.
C’était fascinant, très intéressant de comprendre.
Je sais que vous avez une journée assez remplie alors, merci beaucoup d’avoir partagé
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quelques minutes avec nous et on se reverra à FWD50 cette année.
Pour l’été en France, Est-ce que ça commence à ouvrir ?
L’été, la pandémie, Est-ce que ça commence à rouvrir ?
– Oui, oui, ça y est, ça commence à rouvrir.
Là on a 25 millions de personnes qui ont été vaccinées et les terrasses petit à petit, on déconfine on sort petit à petit du « lockdown »
et surtout le soleil brille et jusqu’à il y a quelques jours
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c’était encore froid donc ça y est, on est très content – Enfin ! Alors, bon été !
Et on se revoit bientôt et merci beaucoup.
– Merci !
Comment le gouvernement innove-t-il ? Pour cet épisode de FWDThinking, je me suis entretenu avec Laure Lucchesi, directrice d’Etalab en France. Dans son rôle de dirigeante principale des données, elle se concentre sur les projets de rupture qui exploitent les données, l’IA et le code source ouvert pour améliorer le service public.
Le modèle d’Etalab intègre des entrepreneurs technologiques au sein du gouvernement pour des mandats de 10 mois où ils travaillent aux côtés de fonctionnaires, ce qui a un impact considérable sur la façon dont les ministres perçoivent la technologie. Toutefois, la France présente également des différences uniques, que ce soit au niveau du système juridique ou de l’adoption des technologies, qui rendent les expériences de Laure singulières.
Dans cette conversation, nous discutons de la façon dont les données ouvertes ont un « effet passerelle » sur l’innovation, des défis de la bureaucratie, de l’efficacité des approches agiles des startups dans l’administration publique, de la manière de surmonter la résistance naturelle du gouvernement aux nouveaux changements, et de ce qui ne devrait pas être numérique.
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